NOËLS D’AILLEURS

Réconfort à la syrienne

Syrie (République arabe syrienne)

Superficie : 185 180 km2

Population : 16 millions d’habitants (estimation 2014)

Capitale : Damas

Nombre de personnes d’origine syrienne au Canada : 40 840 (recensement de 2011)

« La mamounié, pour les petits Syriens, c’est comme les crêpes pour les enfants québécois ou français : la promesse d’un plat fait pour eux, doux pour le palais et chaud dans le ventre », explique Marya Zarif.

Tandis qu’elle verse doucement dans l’eau la semoule de blé qu’elle a préalablement fait blondir dans le beurre, elle explique que la mamounié n’est pas à proprement parler un plat de réveillon. En Syrie, on la sert plutôt les lendemains de fête, notamment le matin de Noël. On la prépare à la maison, ou alors on l’achète toute faite dans la rue, bien fumante, pour se remettre des libations de la veille.

Même si, liturgiquement, la fête de Pâques revêt plus d’importance que la Nativité en Syrie, tout le monde souligne Noël. « La fête s’est internationalisée, on voit maintenant des sapins, des guirlandes, y compris dans les quartiers plutôt musulmans. Dans mon enfance, en Syrie, les gens de toutes confessions cohabitaient sans problème... », dit Marya avec un soupir.

Née et élevée à Alep, qu’elle a quitté il y a 15 ans pour venir étudier à Montréal, Marya ne peut que penser à sa ville meurtrie et à ceux qui y vivent toujours malgré le chaos, comme son père, qu’elle n’a pas revu depuis cinq ans et demi. Elle pense aussi, bien sûr, à ceux qui ont dû tout laisser derrière eux dans l’espoir d’une vie plus normale.

En janvier 2014, pour créer un lieu de diffusion et de partage de la culture de son pays natal, Marya a cofondé la Maison de la Syrie, qui se trouve bien sûr mobilisée, actuellement, autour de l’arrivée de milliers de réfugiés. Marya a aussi cofondé l’organisme Je veux jouer, qui vise à remettre le jeu au cœur de la vie des petits Syriens retenus dans des camps depuis des mois, voire des années. C’est en pensant à tous ces déplacés, mais aussi pour faire découvrir un plat moins connu de la cuisine syrienne, qu’elle a choisi de nous parler de la mamounié.

« En ces temps troubles pour les habitants de la Syrie, le cœur n’est pas tellement à la cuisine somptueuse qu’on peut goûter par exemple au restaurant Damas. J’ai choisi la mamounié parce que c’est une recette à la fois simplissime et merveilleuse, un plat de riches et de pauvres, quelque chose que tout le monde aime. La base de la mamounié est la semoule, qui est très abordable et que les réfugiés syriens pourront trouver facilement à leur arrivée. »

Tandis que Marya parle de sa voix douce et chantante, la mamounié « apparaît » – c’est ce qu’on dit quand la semoule prend la texture onctueuse d’une crème. « C’est la magie de la mamounié ! », s’écrie Marya, les yeux brillants. Des deux bols fumants qu’elle pose sur la nappe richement brodée émane le chaud parfum de la cannelle. En bouche, la magie opère aussi : le croquant des amandes et des pignons grillés, l’onctuosité sucrée de la semoule, la douceur de la ricotta, le salé du fromage d’Alep qui fond doucement dans tout cela… C’est véritablement un bol de bien-être, une parcelle du pays natal, du bonheur absorbé à petites cuillerées.

Demain, Marya, qui est de culture chrétienne, fera son sapin de Noël, avec une crèche, autre objet de réconfort. « J’adore les crèches. J’y reconnais nos paysages, nos oliviers. Et puis je trouve que c’est une belle histoire. »

Une histoire à partager. Avec un bon bol de mamounié !

Consultez le site de la Maison de la Syrie : lamaisondelasyrie.com

Consultez le site de Je veux jouer : jeveuxjouersyrie.org

Mamounié

INGRÉDIENTS

4 tasses d’eau

2 tasses de sucre (blanc ou roux, ou sirop d’érable)

1 tasse de semoule moyenne

Un peu de beurre

1 tresse de fromage d’Alep (en vente dans les épiceries orientales, par exemple chez Adonis)

Fromage ricotta

PRÉPARATION

1. Dans une casserole, verser l’eau et le sucre et réchauffer à feu moyen, jusqu’à ébullition.

2. Entre-temps, faire fondre le beurre dans une poêle antiadhésive, ajouter la semoule et faire revenir quelques minutes (très peu) jusqu’à ce que la semoule prenne une couleur dorée.

3. Verser lentement la semoule dorée et beurrée dans l’eau bouillante en remuant avec une cuillère en bois pour que le mélange reste onctueux et homogène, sans grumeaux. Éteindre le feu. La mamounié devrait apparaître.

4. Verser dans des bols ou des assiettes creuses, garnir d’une cuillère de ricotta, de noix de pin et d’amandes effilées rôties et saupoudrer de cannelle moulue. Accompagner de fromage d’Alep dénoué lavé trois fois à l’eau dans une passoire. Riez et racontez des blagues, c’est recommandé pour bien digérer.

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